RECOURS ADMINISTRATIF
Maître,
Vos clients sont des parents d’élèves d’enfants inscrits à l’Ecole européenne de Luxembourg Il qui les accueillera dans ses nouveaux locaux à Marner à partir de la rentrée de septembre 2012. Ils ont introduit par votre intermédiaire un recours administratif réceptionné le ler août 2012 par mes services.
RECEVABILITE
Il m’apparaît que le recours de vos clients est irrecevable.
En effet, ainsi que vous le rappelez de manière pertinente, les décisions attaquées dans le recours administratif sont des décisions de portée générale adoptées par le Conseil supérieur des Ecoles européennes des 21 et 22 octobre 2003 et 12 et 14 mars 2004 concernant la répartition des section linguistiques entre l’Ecole européenne de Luxembourg I et l’Ecole européenne de Luxembourg II.
Votre recours ne peut être admis puisque des parents d’élèves ont déjà introduit un recours en 2004 portant sur le même débat et ont été déboutés par la décision du 24 novembre 2004 de la Chambre de recours des Ecoles européennes. Il va de soi que si certains des requérants qui vous ont mandatés pour introduire le recours administratif du 27 juillet 2012 faisaient également partie des requérants dans le cadre de la procédure clôturée par la décision de la Chambre de recours du 24 novembre 2004, l’autorité de chose jugée attachée à cette dernière décision empêcherait ces parents de formuler des revendications identiques auprès du Secrétaire général.
D’autre part, il est exact que la jurisprudence de la Chambre de recours des Ecoles européenne a évolué dans le temps. Si en 2004, la Chambre de recours a indiqué que sa compétence d’attribution était strictement limitée aux litiges expressément visés par le Règlement général ou d’autres textes applicables au sein de l’Institution internationale, cette compétence s’est peu à peu élargie.
Dans sa décision du 15 septembre 2005, la Chambre de recours a indiqué qu’elle n’était pas compétente pour annuler une décision à portée générale, mais bien pour annuler un acte individuel en raison de l’illégalité de la norme générale sur laquelle il s’appuierait (décision de la Chambre de recours des Ecoles européenne du 15 septembre 2005, A. & cts/Ecoles européennes, recours 05/04).
Plus récemment encore, la Chambre de recours a décidé que « Lorsqu’une décision du Conseil supérieur, même si elle revêt une portée générale ou réglementaire, affecte directement un droit ou une prérogative que /a convention portant Statut des Ecoles européennes reconnaît à une personne ou à une catégorie de personnes pleinement identifiées et qui se distinguent de l’ensemble des autres personnes concernées, sans qu’il soit certain que ladite personne ou catégorie soit en mesure de former un recours contre /a décision individuelle prise sur le fondement d’une telle décision, celle-ci doit être regardée comme constitutive d’un acte faisant grief à cette personne ou à cette catégorie au sens de l’article 27, § 2 de la convention. La Chambre est, dès lors, en principe, compétente pour statuer sur un recours formé contre un tel acte.
Cette compétence doit normalement s’exercer dans les conditions et selon les modalités déterminées par le texte d’application auquel renvoie la convention. Cependant, en cas d’absence de dispositions précisément prévues à cet effet, il convient de rechercher, s’il est possible, afin de respecter le principe général du droit à une protection juridictionnelle effective, de transposer par analogie les règles de procédure prévues pour des recours comparables » (décision de la Chambre de recours des Ecoles européennes du 22 juillet 2010, A.I. / Conseil supérieur, recours 10/02).
En l’espèce, force est de constater que la finalité de vos mandants est de voir leurs enfants fréquenter l’Ecole européenne de Luxembourg I, plutôt que l’Ecole européenne de Luxembourg II. Lorsqu’ils ont demandé l’inscription de leurs enfants à l’Ecole européenne et plus particulièrement à l’Ecole européenne de Luxembourg I, une décision administrative individuelle a été prise sur pied des décisions du Conseil supérieur litigieuses de 2003 et 2004 pour rejeter la demande d’inscription à l’Ecole européenne de Luxembourg I, mais bien l’accueillir à l’Ecole européenne de Luxembourg II.
Ces parents disposaient, conformément à l’article 50bis du Règlement général, d’un recours contre la décision individuelle statuant sur leurs demandes d’inscription.
Ils ne peuvent dès lors aucunement être regardés comme une catégorie de personnes qui seraient privées de la possibilité d’attaquer une décision individuelle prise sur une norme générale prétendue illégale. A défaut pour vos mandants d’avoir introduit dans les délais convenus un recours administratif contre la décision d’inscription de l’élève à l’Ecole européenne de Luxembourg II, ils ne peuvent plus agir contre cette décision qui a acquis un caractère définitif.
A titre subsidiaire, même s’il fallait par impossible considérer que – bien qu’ayant disposé d’un recours possible contre la décision individuelle d’inscription de leur enfant à l’Ecole européenne de Luxembourg II -, les requérants seraient encore admis à introduire un autre recours contre la règle de portée générale qui a sous-tendu ces décisions individuelles (quod non), encore faudrait-il constater que le délai pour agir est largement dépassé. En effet, les décisions critiquées remontent au 21-22 octobre 2003 et 12-14 mars 2004 et ont été à l’époque régulièrement publiées sur le site Internet des Ecoles européennes et des Ecoles européennes de Luxembourg en particulier. L’article 66 du Règlement général des Ecoles européennes qui organise la procédure administrative des recours adminsitratifs renvoie à des décisions particulières qui stipulent les délais ouverts pour agir. Les recours contre les décisions d’inscription doivent être introduits dans un délai de deux semaines (article 50bis.2). Or, la norme de portée générale a été publiée il y a plusieurs années, en manière telle que tout recours introduit contre cette norme devrait être considéré comme irrecevable par dépassement du délai d’agir quels que soient les délais pris en considération pour des recours dits similaires, conformément à la jurisprudence précitée.
La circonstance que le déplacement physique des élèves inscrits à l’Ecole européenne de Luxembourg Il vers les nouvelles infrastructures de Marner soit programmé en septembre 2012 ne permet pas de remettre en cause la validité des décisions d’inscription antérieures, ni les décisions individuelles d’inscription des enfants à l’Ecole européenne de Luxembourg Il lors de leur admission dans le système, ni des normes de portée générale adoptées il y a 8 et 9 ans.
Enfin et à titre surabondant, à supposer même que vos mandants soient en mesure d’établir qu’ils ont été privés de la possibilité d’agir contre les décisions administratives individuelles et qu’ils sont encore dans les délais pour agir contre la norme de portée générale qu’ils attaquent (quod non), encore devraient-ils établir qu’ils agissent pour protéger un droit ou une prérogative que la convention reconnaîtrait aux parents concernés. Or, s’il est exact que les membres du personnel des institutions de l’Union européenne disposent du droit d’inscrire leur enfant dans une Ecole européenne, il ne s’agit pas nécessairement de l’école de leur choix ou de l’école la plus proche de leur domicile, lorsqu’il existe plusieurs écoles dans la même ville.
Récemment, la Chambre de recours des Ecoles européennes a ainsi débouté des parents qui critiquaient une décision à porter générale d’ouvrir des classes d’une section linguistique espagnole, en rappelant que la décision contestée ne visait aucun droit ou prérogative que la convention reconnnaîtrait aux parents concernés (Ordonnance de référé du 31 août 2012, B. / Ecole européenne de Munich, recours 12/59 R).
Par voie de conséquence, le recours est clairement irrecevable.
FONDEMENT
A titre subsidiaire, à supposer par impossible que le fondement du recours doive être examiné, vous lirez ci-après mes observations.
Le préambule portant Statut des Ecoles européennes qui prévoit que la mission confiée aux Ecoles est l’éducation en commun des enfants du personnel des Communautés européennes n’implique aucunement l’obligation, pour chacune des écoles, d’ouvrir toutes les sections linguistiques existantes sur son site, ce qui serait matériellement irréaliste. Ainsi, plusieurs Ecoles européennes n’ouvrent que trois ou quatre sections linguistiques, sur les quinze sections linguistiques actuellement existantes, sans manquer au principe général d’éducation en commun des enfants du personnel de l’Union européenne.
Il est également inexact de prétendre que répartir les sections linguistiques sur les deux sites ouverts dans la ville de Luxembourg serait de nature à constituer une discrimination fondée sur la langue, la nationalité ou les origines ethniques, condamnée par les principes fondamentaux du droit de l’Union européenne consacrés notamment par le Staut des fonctionnaires de la Communauté européenne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou la Convention européenne des droits de l’homme.
En effet, l’organisation pratique des Ecoles européennes nécessite de prendre des mesures d’exécution pour assurer que la mission confiée aux Ecoles européennes soit exécutée en opérant une gestion optimale des ressources.
Ceci implique que dans un but de rationnalisation et de compression des coûts, la distribution des sections linguistiques dans plusieurs écoles localisées dans le même pays siège conduit à une répartition des élèves sur base d’une section linguistique. La Chambre de recours rappelle dans sa jurisprudence qu’il est nécessaire de réunir dans une Ecole européenne les enfants ayant vocation à fréquenter une même section linguistique, de manière à pouvoir leur offrir un enseignement suffisant dans leur langue maternelle. « L’organisation d’un enseignement dans la langue maternelle ne pourrait pas être assurée sans le regroupement dans une école des élèves de certaines nationalités. Le regroupement de ces élèves dans un établissement ne représente donc pas une discrimination, mais au contraire l’empêche (…). Afin de pouvoir accueillir tous les élèves ayant droit aux Ecoles européennes et assurer une organisation efficace, le « libre choix » des parents doit nécessairement s’en tenir à certaines limites et se plier aux contraintes incontournables que rencontrent les Ecoles. » (décision de la Chambre de recours des Ecoles européenne du 27 août 2010, V./ACI, recours 10/15).
Dans le cas plus précis des Ecoles européennes de Luxembourg, de multiples scénarios ont été examinés lors des réunions du Conseil supérieur des années 2003 et 2004 pour envisager la répartition de la population scolaire sur les deux sites. Après de très nombreuses discussions, il a été décidé de procéder à une séparation verticale conduisant à l’attribution de certaines sections linguistiques tous niveaux d’enseignement confondus sur un site et d’autres sections linguistiques tous niveaux d’enseignement sur un autre site sur base d’une structure dite verticale. La question d’envisager une répartition horizontale, à savoir toutes les sections linguistiques pour les niveaux maternel et primaire sur le site d’une école et toutes les sections linguistiques pour le niveau secondaire dans une autre école, a été rejetée à 15 voix contre 2 et 1 abstention lors la décision du Conseil supérieur des Ecoles européennes du 21 et 22 octobre 2004, confirmée encore lors de la réunion du 15 mars 2004.
Sur base de cette décision devenue définitive par l’écoulement des délais utiles, de très nombreuses infrastructures ont été mises en place qui empêcheraient actuellement de revenir sur ces choix sans exposer des frais incommensurables.
Ainsi, le niveau d’enseignement secondaire nécessite d’avoir des salles particulières pour l’organisation de l’examen du baccalauréat qui générerait, si toutes les sections linguistiques ouvertes à l’Ecole européenne de Luxembourg I et Luxembourg II étaient concentrées sur le second site, de disposer de locaux plus vastes que les plus grandes salles actuellement existantes dans l’Ecole nouvellement construite en prévision de la rentrée de septembre 2012.
De la même manière, les classes maternelles nécessitent une logistique particulière qui a d’ores et déjà été mise en place à l’Ecole européenne de Luxembourg II tandis qu’une crèche ainsi qu’une garderie (Centre polyvalent de l’Enfance, dit CPE), financées respectivement par l’administration du Parlement européen et par la Commission européenne, ont été installées à l’intérieur même du site de l’Ecole européenne de Luxembourg II.
Décider dorénavant quelques semaines avant l’ouverture des portes de l’Ecole européenne de Luxembourg II que ces infrastructures devraient être déménagées à l’Ecole européenne de Luxembourg I, générerait des dépenses aussi importantes qu’inutiles. L’inverse est également vrai : il serait impossible de transformer les laboratoires de chimie de l’Ecole européenne de Luxembourg I en classes destinées à recevoir des classes maternelles ou primaires.
Je vous invite sur ce point à consulter le plan ci-joint en annexe du site de l’Ecole européenne de Luxembourg Il dont il ressort que le Gouvernement luxembourgeois a clairement mis à disposition des Ecoles européennes un campus scolaire avec des zones et des bâtiments spécialement destinés à différents groupes d’âge.
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que douze kilomètres seulement séparent les deux sites des l’Ecole européenne de Luxembourg I et de Luxembourg II. Dans le cadre d’une décision de principe prononcée par la Chambre de recours des Ecoles européennes au sujet des l’Ecoles européennes de Bruxelles à l’occasion de laquelle les inconvénients de trajets avaient été invoqués, la juridiction a prononcé une décision de principe indiquant que :
« II convient d’observer que, dans les villes où il n’existe qu’une Ecole européenne, les distances entre cette école et le domicile de l’élève peuvent s’avérer, au cas par cas, aussi importantes que celles qui sont mises en cause dans le présent recours, sans pour autant, en raison de l’existence d’une seule école, que la question de ne soit posée. Lorsqu’il existe plusieurs écoles dans la même ville, comme c’est le cas à Bruxelles, la localisation géographique de chacune d’elles, ne peut, pour les motifs précédemment exposés et notamment en raison de la liberté de domiciliation des intéressés, constituer le critère exclusif d’exercice de leur droit d’accès à l’enseignement dispensé dans ces écoles. » (Décision de la Chambre de recours du 31 juillet 2007, RIACI, recours 07/22).
Il ressort dès lors de ce qui précède, que la circonstance que les parties requérantes devraient subir des contraintes pour l’organisation des trajets de leurs enfants depuis leur domicile vers l’Ecole européenne de Luxembourg Il ne constitue ni une discrimination en leur défaveur, ni un moyen remettant en cause la légalité des décisions valablement adoptées par le Directeur de l’Ecole lors de leurs inscription, ni celles prises par le Conseil supérieur en 2003 et 2004.
Pour les raisons qui précèdent et toutes celles que les Ecoles européennes se réserveraient de faire valoir ultérieurement, je me vois contraint de rejeter votre recours administratif, celui-ci n’étant ni recevable, ni fondé.
La présente décision peut faire l’objet d’un recours contentieux devant la Chambre de recours.
Les recours doivent être introduits auprès du :
Greffe de la Chambre de recours des Ecoles européennes do Commission européenne
J II, 30
1049 Bruxelles
par envoi postal recommandé,
ou par fax : 0032 2 298 6320
ou par courrier électronique : chambre.recourseeursc.or.q
D’autres informations en ce qui concerne les procédures de la Chambre de recours, y compris les éléments indispensables pour établir un recours, se trouvent sur le site Web : http://www.schola-europaea.eu/cree/
Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de ma considération très distinguée.
Kari KIVINEN
Secrétaire général des Ecoles européennes
Annexe: Plan du site de l’Ecole européenne de Luxembourg II
Copie:
– Madame Vassilacou, Directrice de l’Ecole européenne de Luxembourg I;
– Monsieur de Tournemire, Directeur de l’Ecole européenne de Luxembourg II.
Great. This is the rejection that we required in order to bring the matter before the Chambre de Recours